Chine : à la découverte du Nouvel An chinois
Bonheur, prospérité, longévité ou fú lù shòu : trois mots qui résument brillamment la fête la plus grandiose de Chine. Vous allez vite comprendre… Chine : à la découverte du Nouvel An chinois !
Le Nouvel An chinois célèbre, comme le Jour de l’An inscrit dans notre calendrier grégorien, le passage à la nouvelle année. Rien que le nom éveille l’imaginaire : des costumes aux couleurs décapantes, des motifs excentriques, de fastes réjouissances, des dragons à têtes de lion qui serpentent dans les rues et des millions de lanternes flamboyantes dans la nuit.
Pourtant, tout ceci n’a rien d’un rêve. Le Nouvel An chinois est aussi beau, extravagant et extraordinaire que vous l’imaginez. C’est aussi l’occasion pour les chinois de célébrer le printemps qui pointe le bout de son nez. D’où le nom de fête du printemps. La fin de l’hiver, les températures plus clémentes qui s’installent, la floraison des campagnes qui prend doucement le pas et la luminosité exceptionnelle de la lune qui s’installe : cette basse saison touristique a beaucoup à offrir. Aujourd’hui, on vous invite au cœur de cette tradition. Suivez notre aventure dans l’Empire du Milieu, à ses heures les plus gaies et folkloriques.
L’histoire du Nouvel An chinois
Si aujourd’hui cette fête a largement dépassé les frontières de Chine, peu de personnes connaissent réellement l’histoire du Nouvel An chinois. Qui est le mystérieux dragon iconique ? D’où vient cet engouement national pour la nouvelle année ? Pourquoi toutes ces lumières, ces symboles, ces explosions ?
Depuis la chute du régime impérial au profit de la République de Chine, en 1912, le pays a officiellement adopté le calendrier grégorien. Malgré ce désir stratégique et politique de calquer le modèle occidental, les chinois restent très attachés à leur calendrier lunaire. Ce dernier continue de rythmer leurs années et fait le pont entre présent et passé.
Du coup, les chinois ne manqueraient pour rien au monde la célébration du Nouvel An ! C’est même la condition indispensable au déroulement d’une bonne année, loin des vieux démons du passé et des échecs. Les deux semaines qui suivent le premier jour de l’année sont aussi placés sous le signe de la fête, communément appelée fête du printemps. Aux mois de janvier et février, une large partie de la Chine flirte avec des températures glaciales et se confine sous un manteau de neige. Ces quinze jours sont donc une ode au redoux tant attendu qui, par le passé, coïncidait avec le retour de l’activité agricole nourricière.
Le jour où on entre dans la nouvelle année s’appelle le Nian. Il tire son nom d’une créature légendaire, à l’apparence d’un taureau avec une tête de lion, errant sur les terres de Chine. Selon la légende, ce monstre mythique et hybride sortait chaque année des forêts, durant les nuits d’hiver, pour dévorer les villageois. Il déguerpissait juste avant le lever du jour. Au fil des années, les villageois comprirent que la créature mettait fin à son festin sanglant à l’orée du jour car il craignait la lumière, les sons et le rouge. À l’approche de la date fatidique, ils prirent donc l’habitude de s’abriter à l’intérieur de leur maison, de laisser les lumières allumées, de faire fleurir toute sorte de décorations rouges, de tambouriner sur des casseroles et, peu à peu, de faire exploser des pétards et de grands feux.
De nos jours, les défilés qui marquent la Nouvelle Année, dont la vedette est ce fameux Nian, symbolise la domestication de cet animal démoniaque et la victoire des chinois sur ce fléau.
Communément, chaque année du calendrier lunaire est également placée sous le signe de l’un des animaux astrologiques qui sont le rat, le buffle, le tigre, le lapin, le dragon, le serpent, le cheval, le chèvre, le singe, le coq, le chien et le cochon, ainsi que d’un élément parmi l’eau, le feu, le métal, le bois et la terre. Le signe du zodiac des chinois est ainsi défini par leur année de naissance.
Préparatifs : le « petit » Nouvel An chinois
Après ce court retour sur les origines du Nouvel An, place au récit présent de cette fête de tous les superlatifs. Les équipes de Generation Voyage ont fait leur valise, direction la Chine.
Chaque année, le Nouvel An chinois tombe entre le 21 janvier et le 20 février de notre calendrier grégorien. Heureusement, la date est connue suffisamment à l’avance pour que chaque famille ait le temps de s’affairer aux préparatifs. À l’approche du réveillon, le pays entier est gagné par une atmosphère particulière, entre impatience et affairement intense.
Nous foulons l’Empire du Milieu une semaine avant le véritable Nouvel An chinois afin de célébrer le « petit » Nouvel An. Au cours de cette période, les chinois cherchent les bonnes grâces du dieu du foyer en déposant de la nourriture sur des représentations à son effigie. Déjà, sous le soleil hivernal, la masse rouge s’active. Les villes, des sols aux plafonds, prennent la couleur des braises chaudes. Aux pas des portes, la poussière s’élève doucement. Elle provient du grand nettoyage auquel procèdent les chinois. Les habitants balaient symboliquement les mauvaises choses du passé pour laisser place au bonheur à venir.
D’ailleurs, mieux vaut épousseter sa maison maintenant car pendant les jours qui suivent le Nouvel An, nettoyer son foyer porte malheur. Cela reviendrait à chasser de chez soi la chance nouvellement introduite dans la maison. Les chinois en profitent également pour se faire une beauté car, au même titre que le ménage, il est bon de ne pas se laver et se couper les cheveux dans les jours qui suivent le Nouvel An.
Puis, vient la cachette de dizaines de petits papiers rouges roulés, à déposer discrètement dans les pièces de la maison. Les membres de la famille y grattent quelques souhaits pour l’année suivante. La tradition veut aussi que les familles écrivent un vers poétique sur un petit ruban rouge, à encadrer autour de leur porte. Cela donne alors une allure incroyablement photogénique aux rues : une aubaine pour les amateurs de photographies !
Durant cette semaine, on assiste également à une véritable ruée dans les magasins. Il faut dire que pour l’occasion et pendant près d’une semaine, les magasins ferment leurs portes. Les chinois font tout d’abord le plein de nourriture : fruits secs et bonbons foisonnent dans les foyers. Puis, pas question de lésiner sur le repas du réveillon qui rassemble toute la famille chez les aînés. Ils achètent également leurs tenues de fête rouge à prix imbattable. Les plus traditionalistes en profiteront même pour renouveler leur garde-robe afin d’être prêts pour l’arrivée du printemps.
La veille du Nouvel An, les maisons sont soigneusement décorées. Au sein des familles, on ressent l’excitation, la trépidation… mais aussi un discret sentiment de stress.
Déroulement de la fête
Nourriture, argent et pétards
Le repas du réveillon est une histoire de famille. Ici, pas question ne serait-ce que de tremper les lèvres dans un verre tant que toute la famille n’est pas réunie ! On comprend aisément pourquoi les retards sont si mal venus.
Copieux est le mot d’ordre : poisson symbole d’opulence, rouleaux de printemps et raviolis symboles de richesse, nouilles symbole de longévité et bonheur, et Niango (gâteau de l’An) symbole de croissance. Bien sûr (ce n’est pas une légende), on s’échange en fin de repas les biscuits traditionnels de la chance qui renferment des prédictions pour l’année à venir. Les oranges et mandarines déferlent aussi pour le dessert. Ces agrumes sont considérés comme des fruits porte-bonheur, attirant la chance, la prospérité et l’abondance.
Moins appétissants, on trouve aussi quelques algues malodorantes ou des huîtres séchées sur la table. Ces plats qui ont l’odeur « des pieds qui puent » sont hautement symboliques. S’il y en a dans votre assiette, impossible d’y échapper. Ces aliments signifient également argent et bonne chance.
Au cours du repas, les membres de la famille, notamment les personnes célibataires, reçoivent des enveloppes rouges qui renferment de l’argent. D’ailleurs, les jours suivant le réveillon, il est coutume d’apporter ce même genre de cadeau aux enfants et aux personnes non mariées des familles que l’on visite. Certains reçoivent jusqu’à l’équivalent de 1 000 euros dans une soirée ! Attention cependant : ne jamais offrir une somme qui inclue un 4 ! Ce chiffre, qui se prononce comme le mot mort en chinois, est abhorré dans le pays. Un brin nostalgiques, nous constaterons malgré tout que cette tradition de papier a peu à peu laissé place aux étrennes électroniques. Une chose est sûre : l’argent a une place centrale en Chine. Dans la culture asiatique, la fortune est aussi importante que la santé.
À la fin du repas, à l’heure où les estomacs entament difficilement la digestion et que sonnent les douze coup de minuit, les pétards et feux de Bengale explosent dans les rues. Un spectacle donné à cœur joie par les enfants, mais de plus en plus encadré à cause des multiples accidents.
Insomnies, prières matinales et tour des maisons
Si l’on peut facilement, chez nous, rire de nos nuits blanches à festoyer, l’heure du coucher est prise très au sérieux chez les chinois. Ici, c’est à celui qui se couchera le plus tard possible car moins on dort cette nuit là, plus on rallonge sa vie ! Jeux et écrans sont de mise pour maintenir les esprits éveillés. D’ailleurs, un show pharaonique est donné ce soir-là à la télé. Les audiences explosent les compteurs mondiaux, même plus que le Super Bowl américain ! Chanteurs populaires, humoristes, représentations de minorités ethniques et propagande communiste sur fond de musique résonnent dans les chaumières.
Malgré le manque cruel de sommeil et le corps un peu mal mené par le Saké, le premier matin de la nouvelle année doit se dérouler au temple. Chacun doit arriver tôt afin de favoriser la chance pour l’année qui débute. Certains temples en Chine ouvrent même à minuit pile et d’autres sont pris d’assaut au point d’une véritable cohue matinale. Au milieu des ruelles, la fumée des milliers de bâtons d’encens brandis par la foule zigzague dans le ciel. Petits et grands, parés d’habits chatoyants, s’agenouillent et marmonnent des prières.
Et ça continue, encore et encore
Le second jour, les couples et les enfants se rendent également dans la famille de la maman. La couleur rouge domine toujours, donnant lieu à un véritable balais de fourmis rouges qui circulent dans toute la Chine.
Les jours suivants sont consacrés à toutes sortes de célébrations aux dieux de la richesse, du ciel, etc. Et on danse aussi. Notamment la danse du lion. Cette danse traditionnelle pratiquée lors de la période du Nouvel An a aussi lieu pendant les mariages et autres évènements importants. Deux danseurs s’enferment dans un costume de lion, leurs quatre jambes représentants les quatre pattes, et se déhanchent avec une technicité et une habilité épatantes. Cette pratique issue des arts martiaux, qui porte chance et éloigne les mauvais esprits, rappelle également la légende du Nian (ou Nianshou).
Au bout du cinquième jour, les magasins rouvrent leur portes. Finalement, la fête du printemps s’étend sur pas moins de deux semaines, et la fin des festivités est marquée par l’incontournable fête des lanternes.
La fête des lanternes
C’est probablement l’apogée des festivités autour du Nouvel An chinois. Peu de spectacles rivalisent en terme de magnificence. Pendant des siècles, ces lanternes enflammant le ciel étaient à l’effigie de divers personnages mythologiques. Aujourd’hui, ce sont plutôt les visages des nouveaux personnages des dessins animés qui s’élèvent dans la nuit. Puis, l’ère moderne a fait place aux chars lumineux. Quel show !
Question nourriture, c’est l’occasion de déguster toutes sortes de soupes et de boulettes de pâte de riz farcies : une recette familiale et généreuse qui a largement dépassée les frontières chinoises.
Le Nouvel An chinois à travers le monde
Cette fête synonyme de vacances, rassemblements, traditions et culture a su séduire les pays du monde entier. Aujourd’hui, bien que le charme sur place soit incomparable, vous pouvez tout à fait fêter le Nouvel An chinois en-dehors de l’Empire du Milieu.
Tout autour de la République de Chine, les pays comme Taïwan et les deux régions de République populaire de Chine (Hong Kong et Macao) ne font pas l’impasse sur cette fête ancestrale. À Singapour, en Malaisie, aux Philippines, au Brunei, en Indonésie, en Corée du Sud et même en Thaïlande, les habitants chôment pour l’occasion et s’en donnent à cœur joie question festivité. Il faut dire que tous ces États sont largement influencés par la culture chinoise.
Enfin, sachez que la diaspora chinoise a même gagné l’Europe et la France. De Paris à Lyon en passant par d’autres villes de province, c’est l’occasion de voyager au pied de chez soi.
Où vivre son premier Nouvel An en Chine ?
Hong Kong parade
Feux d’artifices époustouflants, chars aux dimensions cyclopéennes, milliers de portes serties de lanternes, encens aux portes des temples, spectacles fantasmagoriques : c’est l’une des fêtes du Nouvel An les plus prestigieuses dans le pays. À Hong Kong, la tradition veut que l’on offre également des fleurs pour le Nouvel An. Le meilleur endroit pour en trouver ? Sur les marchés traditionnels qui fourmillent de monde et d’expériences pour les sens.
Shangaï illumine
C’est sans aucun doute au cœur de cette perle de l’Empire du Milieu que vous vivrez la plus belle fête des lanternes. La ville, sous le feu des projecteurs, offre un moment d’exception dans le jardin Yuyuan. Si l’on y trouve une quantité affolante de lanternes traditionnelles, on y trouve également bon nombre de lumières combinant art ancestral et technologie moderne. Ici aussi, il est de mise d’offrir des bouquets et plantes en pot. Pour assister aux célébrations religieuses, rendez-vous au temple Longhua. Danses et chants résonnent dans le lieu pendant plus d’une semaine. Partout en ville, les guerres pyrotechniques vont de bon cœur mais c’est probablement sur le Bund que le show est le plus hallucinant.
Pékin représente
Celle que l’on surnomme la Cité Interdite ouvre grand les bras aux voyageurs et pékinois en quête d’une fête monumentale. La capitale fait la part belle, comme nulle part ailleurs, aux multiples représentations : danses du dragon, danses du lion, pièces de théâtre impériales, feux d’artifices depuis la Muraille de Chine : c’est un réel tourbillon de sons, couleurs, odeurs et saveurs pendant quinze jours. Mais à Pékin, les chapelets de pétards pour éloigner la malchance sont interdits dans les rues.
La campagne perpétue
Dans les campagnes chinoises, la fête et l’animation battent leur plein. Notamment grâce aux flux migratoires qui s’opèrent tout au long des festivités. Les retrouvailles ont ici quelque chose d’encore plus poignant. Les célébrations ont cette touche délicieuse d’authenticité. L’hospitalité est reine et c’est sans aucun doute l’endroit de prédilection pour un Nouvel An chinois sous le signe de la simplicité, du partage et de l’amour. C’est également loin des grandes villes que vous pourrez assister à de véritables envolées de pétards et feux d’artifices tirés par les habitants. Là où, logiquement, les questions de sécurité et d’environnement posent moins de problèmes.
Fête nationale et de grande envergure oblige, le Nouvel An chinois rime avec surpopulation sur les routes, dans les gares et les aéroports. Il s’agit même de la plus grande transhumance humaine du monde. Pensez donc à réserver bien à l’avance et prenez votre mal en patience si vous vous lancez dans un voyage itinérant pendant cette période.
Ce que vous ne savez pas sur le Nouvel An chinois
Le célibat : entre honte et agacement
Vous l’aurez compris, la dimension familiale est aussi importante que les dimensions religieuse et festive. À tel point que certains chinois ont recourt aux services d’un faux petit ami ou d’une fausse petite amie afin de passer le Nouvel An en famille et sans encombre. Et cela même si leur célibat leur permet de recevoir en masse les fameuses enveloppes rouges pleines d’argent. En effet, alors que les couples vivent un moment de joie intense, les Tanguy du célibat (après 32 ans pour les hommes et après 30 ans pour les femmes) subissent les moqueries de leurs pairs et les sermons de leurs parents. Louer une « âme sœur » pour passer les fêtes, il fallait oser !
Acheter le silence du concierge
Les concierges reçoivent pas mal d’enveloppes rouges… Pourquoi ? Ces gardiens d’immeubles qui ont les oreilles et les yeux partout connaissent généralement tous les secrets des habitants. Même les plus inavouables. Il est donc courant de glisser un peu d’argent à son concierge lorsqu’on a un secret à garder bien au chaud…
Des dizaines de tabous autour du Nouvel An
On vous l’a dit, on ne se lave pas les cheveux et on ne passe pas le balai, mais quels sont les autres tabous du Nouvel An chinois ?
- Au cours des festivités, on ne nettoie pas ses vêtements lors du premier et du second jour de l’année ;
- On évite les médicaments au risque de provoquer la maladie au cours de l’année qui débute ;
- Si vous êtes victime d’un vol, la peine est double car cela est également prélude de maladie ;
- Lors du premier petit déjeuner, on fait l’impasse sur la bouillie de riz. Considéré comme le plat des pauvres, cela briserait le cercle de prospérité ;
- Un enfant pleure ? Aïe, cela est mauvais signe. À tel point que certains parents chinois sont prêts à toutes les parades pour arracher des sourires à leur progéniture ;
- Les amoureux de couture et de bricolage sont priés de ranger leurs instruments : les ciseaux, couteaux et objets pouvant causer des accidents sont forcément déconseillés. Comme toujours, ils sont réputés pour leurs influences néfastes, notamment sur le pécule annuel ;
- Quant aux accros des jeux d’argent ou aux personnes endettées : mieux vaut démarrer l’année au clair avec ses dettes et son banquier.
Festival de curiosités, de sensations et de dépaysement, la découverte du Nouvel An chinois laisse un souvenir mémorable. L’an prochain, il aura lieu le mardi 1er février 2022. Une année du Tigre, placée sous l’élément de l’Eau. Pourquoi ne pas fouler l’Empire du Milieu à cette date ?