Chili : à la découverte de l’île de Pâques et ses statues moaï
Rapa Nui : comme un aventurier des temps perdus, partez à la découverte de l’île de Pâques et de ses fascinantes statues.
Confetti de terre volcanique, rythmée par les mystères et empreintes de légendes, l’île de Pâques (Rapa Nui en polynésien) appelle celles et ceux qui ont soif d’aventure.
Rattachée au Chili mais profondément isolée à 3 700 kilomètres des côtes, cette île est surtout connue pour ses statues géantes : les moaï. Ces géants de pierre énigmatiques, dont la naissance suscite encore de vives interrogations, exercent une aura magnétique.
Mais il serait vain de résumer l’île de Pâques à ces seuls géants de pierre. L’île offre également de vastes étendues émeraudes apaisantes et des eaux d’une beauté saisissante. Ainsi, les amateurs de marche, vélo, paysages marins, plongée sous-marine et surf ne sont pas en reste. Sans oublier la culture des Pascuans (habitants de l’île) qui éveille la curiosité et passionne immensément.
Pour autant, l’île de Pâques est un privilège et il n’est pas toujours évident de savoir par où commencer lorsqu’on rêve de tenter l’aventure. Sac à dos bien centré sur nos hanches, nous avons parcouru ce territoire presque nu et partageons aujourd’hui notre aventure. Après notre récit, nous espérons que vous aurez toutes les cartes en main pour tenter, à votre tour, cette échappée hors du temps.
L’accès à l’île de Pâques se fait par l’achat d’un ticket d’une valeur de 80 dollars (environ 70 euros). Ce dernier est valable pendant 10 jours et donne accès à tous les sites de l’île. Ils sont visibles plusieurs fois, à l’exception du village cérémoniel d’Orongo et la nurserie volcanique de Rano Raraku.
Le ticket peut s’acheter directement sur place et est à conserver précieusement avec soi durant toute la durée du séjour. Enfin, sachez que les sites sont ouverts de 8h à 20h.
L’environnement et les saisons
Nous regardons à travers les hublots du coucou qui nous amène de Santiago du Chili à Hanga Roa, la seule ville de l’île de Pâques. Déjà, nos cœurs s’emballent.
Un triangle percé par un volcan éteint : voilà ce qui saute aux yeux lorsqu’on survole l’île de Pâques. Cette petite île d’à peine 24 kilomètres de long et 12 kilomètres de large est recouverte d’étendues herbeuses et de champs fertiles, hachurés par les coulées de lave pétrifiée. Des sentiers au beau milieu des contrées sauvages, à l’unique plage de sable blanc étincelant, le tableau semble exceptionnel. La littoral, travaillé par l’érosion, et les longues falaises déchiquetées se dessinent sous nos yeux.
Isolé du monde entier, cet ilot échappe aux règles climatiques que nous connaissons. Par rapport à la France, les saisons sont inversées. La période de janvier à mars correspond donc à la saison chaude. Les hébergements sont alors pris d’assaut et les prix grimpent, surtout lors du Festival Rapa Nui.
De juillet à septembre, les températures se rafraîchissent. Il est plus difficile de rentrer dans l’eau mais le climat est idéal pour randonner. Les saisons intermédiaires, s’étalant d’avril à juin puis d’octobre à novembre, sont un bon compromis. À l’image d’un petit paradis, l’île de Pâques se visite finalement à toutes les saisons.
L’histoire de l’île de Pâques
Imaginez. De courageux aventuriers glissant sur l’océan à bord de leur pirogue, se fiant aux étoiles pour trouver leur chemin et capables d’attraper à mains nues quelques poissons pour survivre. C’est ainsi qu’aux VIIIème et XIIIème siècles, les insulaires venus des Marquises, de Mangareva, des îles Cook et de Pitcairn débarquèrent sur l’île de Pâques. Dès lors, ils firent de Rapa Nui la terre des Ahu et des moaï.
Au XVIIème siècle, le nombre d’habitants atteint son paroxysme : 15 000 âmes. Puis, les guerres entre tribus éclatent. L’enjeu ? L’appropriation des terres et des ressources naturelles.
S’ensuivent l’arrivée des Européens, l’introduction d’espèces qui bouleversent l’écosystème, l’esclavagisme, la colonisation par les péruviens, l’élevage intensif de moutons et la déforestation.
Par-dessus ce chaos, de nouvelles guerres de clans sur fond d’assassinats sanglants et de cannibalisme. En quelques années, les Pascuans furent quasiment disséminés. À tel point qu’aujourd’hui, rares sont les familles dont les arbres généalogiques puisent leurs racines de l’île. La plupart des insulaires ont des ancêtres d’Europe ou d’Amérique du Sud.
Les Pascuans ne furent pas les seules victimes de l’Histoire mouvementée de l’île de Pâques. Bon nombre de moaï furent renversés lors des guerres claniques, des invasions étrangères et des remaniements économiques. Les historiens soupçonnent que ceux qui subsistèrent à ces assauts furent détruits par les tremblements de terre. Ainsi, tous les moaï encore debout sont en réalité issue d’une restauration au XXème siècle.
Savez-vous que les monolithes en pierre incarnent une coutume venue tout droit de Polynésie ? Les consensus archéologiques s’entendent pour considérer ces statues comme des figures d’ancêtres divinisés. Tournant le dos à la mer, ils protègent de leurs regards bienveillants, le territoire de leurs géniteurs. 95% de ces géants de pierre proviennent du volcan sacré du Rano Rataku qui, selon les croyances, diffuse toute sa puissance dans l’île.
En 1888, le Chili annexa définitivement l’île de Pâques. À cette époque, les quelques 5 000 habitants Pascuans (dont 1 500 natifs de l’île) ne reçurent que peu de droits et de considération de la part du gouvernement. Les Rapa Nui « pure souche » furent notamment parqués sur 6% de leur territoire. Ils ont dû attendre 1966 pour bénéficier de la nationalité chilienne et que le désenclavement commence.
Aujourd’hui, l’île de Pâques jouit du titre de « territorio especial », qui confère aux habitants une plus grande autonomie. Mais on ne parle pas encore d’indépendance et encore moins financière. Les Rapa Nui se révoltent régulièrement contre les injustices et l’exploitation de leurs terres par le gouvernement.
Puis, hors de question de tout miser sur le tourisme pour booster leur économie et sortir de la coupe du Chili. L’avènement massif des visiteurs risquerait de bouleverser l’équilibre délicat des traditions, de la faune et de la flore. Ainsi, le nombre de voyageurs pouvant fouler l’île est restreint et même les « Contis » qui viennent travailler sur l’île sont considérés comme des perturbateurs. Pour autant, les Pascuans « pure souche » espèrent pouvoir, un jour, reprendre pleinement le pouvoir sur leurs terres, les sites archéologiques et le parc marin protégé qui auréole leur ilot.
L’art et la cuisine
La société Rapa Nui est assez conservatrice, plaçant la famille, la religion, le mariage et les enfants au centre des préoccupations. Si peu de familles du peuple premier subsistent, les Européens et Chiliens arrivés sur l’île se sont largement imprégnés des traditions ancestrales. Aujourd’hui, la culture se caractérise par une superposition de traditions latines et polynésiennes. La danse, la gravure et le tatouage sont les arts les plus représentatifs de l’île.
L’île de Pâques est sensationnelle. Dans tous les sens du terme. Tous nos sens y sont comblés, y compris nos papilles ! Lors de notre aventure aux pays des moaï, nous avons eu le plaisir de goûter à une gastronomie fine et réconfortante.
Impossible de compter le nombre d’empanadas fondants engloutis dans de délicieux restaurants sans prétention. Nous avons également fait une cure de produits de la mer extra-frais. Poisson grillé au chutney de papaye, ceviche acidulé, pavés de thon savourés au son des vagues qui s’écrasent sur la côte ou encore Chupe de Jaiva (gratin de crabe).
À la table des Chiliens, nous avons également rencontré de fameux plats mijotés dont le parmentier de viande et des mets plus relevés (le merken, sorte de mélange mapuche à base d’épices, ou l’aji chileno, sauce crémeuse au piment).
En temps que bons vivants et amateurs de produits régionaux, nous n’avons pas manqué de remplir nos valises de denrées chiliennes savoureuses. Nos proches en sont témoins : l’eau-de-vie de raisin, le miel très parfumé et la confiture de baies acidulées sont des merveilles gustatives.
Hanga Roa : une île, une seule ville
Comme nombreux voyageurs qui débarquent sur l’île de Pâques, nous ne sommes pas passés à côté de la seule ville de l’îlot : Hanga Roa. On y trouve, sans surprise, l’offre la plus large de restaurants, cafés, hôtels et boutiques. Préservation de l’environnement oblige, ces installations n’ont rien dénaturé dans cette partie du monde, préservée coûte que coûte. Hanga Roa abrite également un charmant petit port de pêche, et une plage qui attire les surfeurs aux cheveux ébouriffés et quelques sites archéologiques intéressants.
À peine débarqués dans la petite ville, porte d’entrée au reste du Parc National, nous sautons en direction d’Ahu Tahai. Ce site extrêmement photogénique rassemble trois Ahu. Les Ahu sont des sépultures et centres cérémoniels qui trônaient initialement au cœur des villages. On nous a murmuré que leur origine vient de Polynésie française.
Ces plateformes en pierre, au toit de pierres plates, sont égrenés tout au long du littoral. Les Ahu les plus impressionnants supportent les monumentaux moaï. Impossible de rester indifférent à une première rencontre avec ces statues colossales. Au cœur du site d’Ahu Tahai se trouve un moaï solitaire. Plus au nord, un moaï sculpté avec son couvre-chef rouge imposant. À l’opposé, cinq autres statues jouxtant plusieurs maisons traditionnelles en forme de canoë renversé. On nous apprend rapidement que ces charmantes fondations s’appelle Hare Paenga.
Les moaï, immobiles, ne sont pas toujours photogéniques selon l’heure de la journée. À contre-jour, les mastodontes ressemblent à des cailloux fantasmagoriques plongés dans le noir. Alors tenez compte de l’orientation du soleil pour planifier vos visites.
Le jour suivant, nous revêtons nos combinaisons de néoprène pour plonger dans le monde énigmatique et limpide sous-marin de l’île de Pâques. Direction le site de plongée de Motu Nui. La particularité de l’île de Pâques ? Des eaux jouissant d’une visibilité jusqu’à cinquante mètres de profondeur.
Derrière nos masques, nous échangeons quelques regards émerveillés. En effet, difficile de contenir l’émotion face à des paysages marins aussi somptueux et aux colliers coralliens intacts. Les poissons, quant à eux, se font désirer. Mais après tout, Rapa Nui a déjà tant à offrir, qu’on lui pardonne sans problème ce manque. Lorsqu’on remonte à la surface, on rencontre les vagues puissantes et les surfeurs qui s’en donnent à cœur joie dans les rouleaux cristallins.
Si jamais, de vote côté, vous n’êtes pas amateur de sport nautique, élancez-vous à l’assaut des sentiers pédestres aux alentours de Hanga Roa. Notre coup de cœur va certainement au sentier balisé qui mène jusqu’au village cérémoniel d’Orongo. Inscrit dans un tableau paysager exceptionnel, il se niche au bord d’un cratère d’un côté, et d’un à-pic plongeant dans l’océan cobalt de l’autre. Les murs en pierres empilées et les toits voûtés témoignent du mode de vie dans cet ancien centre religieux dédié à l’homme-oiseau.
Nous avons eu la chance d’attérir à Hanga Roa lors du Tapati Rapa Nui. Ce festival a lieu au cours des deux premières semaines de février. C’est l’évènement annuel phare de l’île de Pâques, une fête traditionnelle authentique au rythme des coutumes locales.
Les chants s’élèvent dans l’air, les danseurs envahissent les rues, les artisans exposent leurs plus belles oeuvres et les clans s’affrontent. Qui présentera la plus belle Reine du Festival ? Le concours le plus spectaculaire reste cependant le Hala Pei : des hommes brandissent leur luge et dévalent, à 70 km/h, les pentes du Cerro Pui.
Le temps clément nous permet également d’admirer la cérémonie du Tau’a Rapa Nui. Ce concours se déroule dans le décor magique du cratère du Rano Raraku. Les participants grimpent dans leur pirogue en roseau et s’affrontent tels des guerriers flottants. Puis, ils déposent des kilos de bananes sur leurs épaules et plongent dans le lac bleu profond pour s’élancer dans une course effrénée. Le dernier jour du festival Tapati Rapa Nui marque le point d’orgue des festivités. La ville se pare de chars et personnages costumés haut en couleur.
Le Parque Nacional Rapa Nui
Nous avons ensuite continué par l’exploration du reste du territoire, classé tout entier Parc National. Pour vadrouiller librement, nous avons opté pour la location de voiture. Ce moyen de transport offre une grande liberté et la possibilité de laisser loin derrière les autres touristes. Au programme ? Grottes, balades à cheval, Ahu, moaï, vestiges de villages et autres morceaux de sites archéologiques.
Vous avez également la possibilité de louer un vélo sur l’île de Pâques. Néanmoins, bien que l’île soit relativement plate, il y a tout de même des « faux plats » bien musclés. Sinon, quelques agences proposent la location de scooters, avec un permis moto seulement.
Le circuit nord nous amène de sépultures en volcans. Nous rencontrons alors d’incroyables moaï tournés vers les plaines fertiles, dominant des vestiges de village. L’occasion d’apprendre, par ailleurs, les significations astronomiques de ces grandes statues.
Au sud-est, là où se trouve le village cérémoniel d’Orongo, nous avons également déniché de vastes grottes creusées dans les falaises ébènes.
Au nord-est, les fondus de farniente et de plage trouveront leur bonheur. De notre côté, nous avons revêtu nos maillots, serviettes et tubas pour profiter de la vue digne d’une carte postale. Anakena, l’unique plage de l’île, est un endroit de rêve pour une petite sieste sous les palmiers.
Les moaï adossés à cette superbe plage (à l’Ahu Nau Nau) ne manqueront pas d’attirer votre attention avec leurs couvre-chefs rougeoyants appelés Pukao. Ces coiffes rouges cylindriques, taillées dans la pierre volcanique, pèsent plusieurs tonnes et sont caractéristiques de certains moaï masculins. Les Pukao étaient extraits des roches sanguinolentes du volcans Puna Pau. Près du site, vous trouverez certains chapeaux abandonnés de plus de dix tonnes.
Au fil de notre exploration, nous découvrons les sites de Rano Raraku (sans le costume qu’il revêt lors du festival Rapa Nui) et d’Ahu Tongariki. Le premier est la carrière de Tuf d’où sont issus les moaï. Dès qu’on pénètre cette nurserie, on imagine les premiers Pascuans en train de sculpter les mastodontes ahurissants. Un travail acharné qui échappe à toute logique.
Nous découvrons les cadavres exquis de plusieurs moaï qui gisent encore sur le site. Même couchées ou brisées, ces immenses statues sont saisissantes. Et encore, nous n’avons rien vu ! Le spectacle est encore plus bluffant à Ahu Tongariki : le plus grand centre cérémoniel de l’île de Pâques. Pas moins de quinze monolithes géants nous enserrent de leur regard bienveillant. Humilité. Sentiment de petitesse. Silence…
Nous poussons encore notre exploration en direction de la Peninsula Poike et de ses sentiers de randonnées. Nous rêvons alors de découvrir les grottes tapissées de pétroglyphes et les cônes volcaniques de la venteuse.
Dans cette région, rien de mieux qu’une balade à cheval pour s’imprégner de la beauté des lieux et vivre intensément la découverte de chaque lieu. D’ailleurs, les cavaliers ne doivent pas manquer une randonnée équestre sur les flancs du volcan endormi de Maunga Terevaka. Si vous aimez l’atmosphère mystérieuse des grottes, celle d’Ana Kai Tangata fera votre bonheur. Malgré le temps qui passe et fait des ravages, on y distingue encore quelques peintures religieuses.
En rebroussant chemin vers la ville, nous ne manquons pas le site archéologique et ahurissant d’Akivi. Ici, le champs d’herbe est troué par sept moaï qui sont exceptionnellement tournés vers l’océan. Ils ont le regard figé en direction du coucher de soleil lors de l’équinoxe de printemps. Un site dont on savoure toute la splendeur aux heures dorées du coucher du soleil.
Avant de reprendre l’avion, nous terminons par le musée de l’île. L’endroit, appelé Musée anthropologique du père Sebastien-Englert, est un incontournable pour comprendre en profondeur l’histoire de Rapa Nui. Le musée conserve de nombreux vestiges ainsi que l’unique moaï identifié comme étant de sexe féminin.
Deux choses que vous ignoriez sur les moaï
Étaient-ils déplacés les jours de pluie grâce à la boue qui facilite le glissement des pierres ? Roulaient-ils sur des troncs d’arbres jusqu’aux Ahu, contribuant à la déforestation de l’île ? Et bien non. Grâce à leur centre de gravité bas et de leur base arrondie, les moaï étaient déplacés par les Pascuans comme des culbutos. Bon, ce qui ne devait pas être simple pour autant. Qui sait, peut-être aimeriez-vous essayer ?
En 2019, des chercheurs ont mis en avant le fait que les Ahu étaient érigés près des sources d’eau potable souterraines. À savoir, sur le pourtour de l’île. Les rares Ahu situés à l’intérieur des terres sont au coude à coude avec des grottes où l’eau souterraine jaillissaient occasionnellement.
Selon eux, les monolithes n’étaient pas là pour marquer la position des points d’eau mais plutôt pour symboliser la « prise de contrôle » sur cet élément qui symbolisait la vie.
En 2020, une thèse vint cependant réfuter ces travaux. Ces études récentes tendent plutôt à démontrer que l’exploitation de la roche et la construction des moaï permettaient de favoriser la fertilité des sols donc l’agriculture. Les chercheurs se basent sur l’études des sols qui, proches des monolithes, sont particulièrement riches en traces d’éléments tels que la banane et la patate douce.
D’ailleurs, le sol de la carrière du volcan Rano Raraku témoigne d’un nombre affolant d’anciennes cultures. Mais qui nous dit que dans quelques années, nous n’allons pas découvrir bien plus encore ? Et peut-être même réaliser que jusqu’ici, nous avions encore tout faux sur les légendaires moaï de l’île de Pâques.